UNE FIGURE DE LEGENDE DU CYCLISME PERIGOURDIN
Préambule
- Marius Duteil a la particularité d’être né au cours de la première guerre mondiale, d’avoir couru avant, pendant et après la deuxième guerre qui a ravagé le continent Européen. Son histoire est une des plus extraordinaires du cyclisme de notre Périgord. Il a débutéà Sainte-Foy, pour poursuivre sa carrière à l’AVC Libourne, à l’US Bergerac, puis au Cyclo-Club Périgourdin. Il a terminé celle-ci au Club Athlétique Ribéracois, pour clôturer son palmarès au CRC Limoges en 1953. Il a couru sur toutes les routes, il a roulé sur des nationales recouvertes de castine, il a connu l’époque des premiers braquets, il a été champion du Limousin, il reste un des plus grands entraîneurs pour deux coureurs qui allaient devenir grande vedettes du cyclisme : Jacques Vivier et Michel Brun... sans oublier qu’il est aussi le père de Francis et de Patrick tous deux connus dans notre milieu.
- La famille Duteil c’est le cyclisme, non seulement sur le plan sportif, mais aussi sur le plan matériel puisque Marius, Francis et Patrick ont tous été des vélocistes connus dans tous nos milieux. Et si aujourd’hui "Dordogne Cycliste" débute cette publication, il tient à remercier Francis Duteil, fils de Marius, double champion de France qui a bien voulu nous prêter des documents et des photos inédites, afin que tous nos aficionados partagent les grands moments de cette période glorieuse qui a été celle de Marius DUTEIL !
QUI EST MARIUS DUTEIL
- Marius Duteil est né le 1° mai 1915àLoubès-Bernac en territoire Lot-et-Garonnais, mais juste à la limite de la Dordogne. Coïncidence, Valentin Huot, était aussi du 1° mai, mais disons que tous ceux qui sont nés au cours de la première guerre mondiale, n’ont pas étéépargnés par la dureté de la vie. Être né pendant la guerre, puis connaître une deuxième guerre à 25 ans, ça vous gâche toute votre jeunesse. C’est dire que des hommes de cette trempe ont été rompus à toutes les vicissitudes d’une période et d’une jeunesse qui n’a pas été rose pour eux. C’est sans doute aussi pour cela que de tels sportifs sont parvenus à obtenir de brillants résultats. Ils ont su souffrir pour aller toujours au-delà de leurs forces et pour gagner.
- Marius Duteil est donc né juste sur la rive gauche du Seignal, à 500 mètres de la limite du département de notre Dordogne, dans le hameau des "Brisseaux". Ses parents paternels et maternels étaient tous natifs de notre Périgord, puisqu’ils venaient eux, de la rive droite de la rivière, des villages de Thénac et de Monestier. La vie n’était pas certes facile dans ce milieu rural auquel Marius a été confronté. A dix ans, il perd sa maman et le voilà parti avec son père, vivre chez sa grand-mère paternelle, elle-même veuve et qui rentrait d’Argentine. L’Argentine était à cette époque un pays où de nombreux français avaient émigré, tout comme Lucien Petit-Breton l’avait fait entre la fin et le début du siècle dernier.
C'est dans ce hameau que Marius Duteil a vu le jour en 1915
L'émigration française en Argentine au XIXe siècle.
- L'indépendance et la construction de l'Argentine moderne (en 1810) a entraîné une profonde modification de son économie. La mise en valeur d'immenses territoires pris aux amérindiens a exigé une abondante main d'œuvre et il a donc fallu provoquer une immigration.
Causes de cette émigration : Elles sont multiples, d'ordre politique, économique et social. Le bouleversement que la France a connu tout au long du XIXe siècle a contraint à l'exil de nombreux Français aux idées libérales et anticléricales qui ont trouvé refuge en Argentine. Ce sont ces individus qui marqueront profondément la culture argentine.
- Au cours du XIXe de graves crises ont affecté le secteur agricole (disette, grêle, famine, oïdium, incendies, phylloxera...) provoquant un exode rural en masse. De nombreux jeunes appelés d'origine sociale humble, préféraient partir et devenir insoumis plutôt que de répondre à l'appel du service militaire. Le régime successoral (droit d'aînesse ou morcellement excessif de la terre) a été une autre raison de départ.
- Dans certaines régions, la population a atteint son maximum démographique et, ne pouvant évoluer pour se nourrir, l'idée de partir s'est rapidement imposée. Autant de raisons qui ont poussé les gens à le faire. Ce sont principalement des Basques, des Béarnais, des Savoyards, des Aveyronnais et des Bretons qui sont partis en Argentine, bien souvent sur un bateau à voiles, le voyage coutant moins cher que sur un bateau à vapeur...
Carnet de bord de Marius Duteil
- Marius Duteil ne s’appelait pas Marius. Marius était un pseudo qu’on lui avait donné. Il est vrai que ce prénom était en vogue à cette époque, mais son vrai prénom, celui qui était marquéà l’état-civil voire sur son livret de famille, était celui de Franck. De tous temps, c’est le prénom de Marius qui a été adopté, sur ses papiers comme sur ses licences, ainsi c’était... Comme trop souvent on a vu également le nom de Duteil écrit avec un H, alors qu’il n’en faut pas... Ce sont les aléas d’une vie, mais Franck Duteil notre champion est bien Marius Duteil et il est resté ainsi dans nos cœurs comme dans nos âmes et bien évidemment dans le cyclisme...
- Marius est un prénom très parlant. Beaucoup le trouve joyeux, original, doux, gai, plein de vie et en même temps plein de caractère... Et puis comment oublier le beau Marius du film de Marcel Pagnol... ? Grand séducteur, libre et avec un bon fond ! En ce qui concerne l’orthographe des noms de famille, ils étaient transcrits à une lointaine époque sur l’état civil, tel qu’on les déclarait. Mais il est vrai qu’il y a deux façons d’écrire Duteil soit tel que soit avec un H (Dutheil).
- Marius Duteil a débuté la compétition en 1933. A cette époque il avait été de nouveau placé, cette fois chez ses grands parents maternels originaires de Monestier (24), mais qui habitaient Ligueux, petit village situé le long du Seignal, mais en territoire Girondin. C’est ici dans cette Guyenne, dans cette partie du Périgord Méridional, aux confins de l’Agenais et du Bordelais que se situe le Pays Foyen, dont les limites font que nous sommes à cheval sur quatre départements.
- Marius Duteil a débuté au Cyclo-Club Foyen. Au cours de l’entre deux guerres parmi les grands noms du cyclisme Foyen se trouvaient Jean Roturier, Robert Larginière, Marius Duteil, Robert Chouet. Puis se joignirent les Bonamy, Blanc, les frères Badie, Franck Barret, Gérard Coureau, Coconi, Aroldi, etc... Robert Larginièreétait le leader du club. Sur le livre écrit par Denis et Jacques Reix, on relève de beaux articles sur les champions d’une région qui en a beaucoup donné...
- Ces coureurs cités ci-dessus inspirent les plus jeunes comme Goineau, Bertrand, Lagrange, Loret, Marbouty, Pagnac, des espoirs qui connaissent fortunes diverses. Jean Bertrand de Ponchapt se souvient de cette époque et raconte : "En 1934, j’avais à peine 16 ans et j’ai commencéà courir dans la catégorie des débutants à la section cycliste de Sainte-Foy alors présidée par Jean Bétous notaire à Port Sainte-Foy. Dans le club il y avait Jean Roturier, un excellent coureur qui avait souvent affronté Calmette de Montpon, un ancien du Tour de France. Il y avait également Duteil, Chouet, Blanc, les deux frères Larginière, Pasquon et Badié de Saint-Antoine de Breuilh".
- Jean Roturier qui se souvient de Duteil raconte beaucoup de péripéties de cette période glorieuse, des combines de course où il fallait enfermer les jeunes loups pour favoriser les échappées des copains. Mais il se souvient aussi des routes. "Autrefois les routes n’étaient pas en bon état comme maintenant. Elles étaient en pierre blanche concassée. Tous les cent mètres, il y avait sur le bord de la route des tas de pierres qui servaient aux cantonniers pour reboucher ornières et nids de poules. Je réfléchissais un moment puis faisait semblant en roulant de partir vers un tas de pierres, d’un coup de rein j’en profitais alors pour lancer une échappée. Bien entendu, il fallait beaucoup d’énergie pour tenir jusqu’à l’arrivée. A cette époque, quand nous étions en course, pour éviter le coup de pompe ou la fringale, chacun avait sa recette. Pour ma part j’emportais un ou deux œufs dans ma musette. Après avoir cassé la coquille sur le guidon, je faisais tomber le blanc pour avaler le jaune, c’était un remède efficace. Mais le plus souvent nous faisions un mélange dans notre bidon avec du porto, du jaune d’œuf et du sucre !"
Le CC. Foyen en 1933 où on aperçoit Marius Duteil
PALMARES CONNU DE MARIUS DUTEIL (1933-34)
1933 : pas de traces de résultats.
1934 : sociétaire au Cyclo-Club Foyen
6° Prix Véry Good à Sainte-Foy, 1° Prix des jeunes à Brive
Le journal de la Petite Gironde relate le Grand Prix Very Good Racer organiséà Sainte-Foy le 20 avril 1934 où les coureurs Foyens se mesurent à de grands champions : "Dès 12h30 le Tour de France Vincente Demétrio, le champion du Lot et Garonne Fontès, Pruney et Matigot d’Arcachon, le Suisse Gygi, les gars du Comminges : Soulet, les frères Jacob, Casteix, le petit Seguin de Lectoure, viennent signer la feuille de départ au contrôle installé au Casino Disdet, au milieu d’une foule qui se fait de plus en plus dense. Les Foyens Roturier, Lachaise, Duteil, Larginière et les autres sont applaudis par leurs supporters... Dès le départ donnéPlace des victoires, un train sévère est mené par Bonamy, qui au virage des chantiers, fait une chute douloureuse le contraignant à abandonner... Tout au long des 106 kms, ce ne fut qu’une série de démarrages, de sprints imprévus. L’arrivée, une apothéose avec plus de 1500 personnes, sagement rangées sur les trottoirs du boulevard Charles Garrau assistaient à un sprint de trente hommes produisant leur ultime effort dans des conditions parfaites de régularité.
Le classement : 1. Vincente Démétrio (Monrepos VC), 2° André Fontès (Marmande), 3° Robert Pruney (Arcachon), 4° Garcia (Auch), 5° Gygi (Auch), 6° Marius Duteil (CC Foyen), 7° Jean Roturier (CC Foyen), 8° Jacques Jacob (CC Comminges), 9° René Larginière (CC Foyen), 10° Casteix (CC Comminges)", etc...
- "Dès 12h30 le Tour de France Vincente Demétrio, le champion du Lot et Garonne Fontès, Pruney et Matigot d’Arcachon, le Suisse Gygi, les gars du Comminges : Soulet, les frères Jacob, Casteix, le petit Seguin de Lectoure, viennent signer la feuille de départ au contrôle installé au Casino Disdet, au milieu d’une foule qui se fait de plus en plus dense. Les Foyens Roturier, Lachaise, Duteil, Larginière et les autres sont applaudis par leurs supporters... Dès le départ donnéPlace des victoires, un train sévère est mené par Bonamy, qui au virage des chantiers, fait une chute douloureuse le contraignant à abandonner... Tout au long des 106 kms, ce ne fut qu’une série de démarrages, de sprints imprévus. L’arrivée, une apothéose avec plus de 1500 personnes, sagement rangées sur les trottoirs du boulevard Charles Garrau assistaient à un sprint de trente hommes produisant leur ultime effort dans des conditions parfaites de régularité.
Le classement : 1. Vincente Démétrio (Monrepos VC), 2° André Fontès (Marmande), 3° Robert Pruney (Arcachon), 4° Garcia (Auch), 5° Gygi (Auch), 6° Marius Duteil (CC Foyen), 7° Jean Roturier (CC Foyen), 8° Jacques Jacob (CC Comminges), 9° René Larginière (CC Foyen), 10° Casteix (CC Comminges)", etc...
RÉTRO VÉLO DORDOGNE - MARIUS DUTEIL (1) © BERNARD PECCABIN
Prochain épisode : Courses d’avant guerre et de la guerre